Mantinum – citadelle de Bastia

Le dimanche 23 février 2020, inauguration par Pierre Savelli, maire de Bastia et Gilles Simeoni, Président de l’Exécutif de Corse, du projet Mantinum situé sur le site de la  citadelle de Bastia, entre le jardin Romieu et le Palais des gouverneurs, conçu et dessiné par les agences Buzzo Spinelli Architecture et Antoine Dufour Architectes pour la ville de Bastia, https://blogs.mediapart.fr/liliane-vittori/blog/250220/bastia-le-mantinum-qui-reconnecte-lame-de-la-ville-avec-la-mediterranee

Le site de l’intervention est situé à l’Est du Palais des Gouverneurs Génois (Donjon), sur l’ancienne emprise du jardin d’agrément en terrasses successives des Gouverneurs Génois. Ce jardin d’emprise au sol triangulaire était constitué de depuis sa partie sommitale au pied de la Tour du Palais des Gouverneurs d’une succession de quatre terrasses étagées perpendiculaires à la ligne de pente, structurées par trois murs de soutènement d’axe Est/Ouest, desservies par un large chemin principal d’axe Sud/Nord. Ce large chemin implanté au pied de la façade Est Palais des Gouverneurs Génois, s’inscrivait harmonieusement dans la ligne de la pente naturelle, pour atteindre au Nord la partie basse du Jardin, juste au-dessus des falaises de l’anse du Vieux-Port. Ce jardin était situé en dehors des remparts originels de la Citadelle, et constituait un point faible dans son système défensif. Depuis son origine, le site a fait l’objet de plusieurs modifications, transformations et remaniements, réalisés au gré des différentes évolutions urbaines et de l’occupation militaire de la ville de Bastia. Les murs des remparts dans leur configuration actuelle reliant l’angle Nord/Est du Palais des Gouverneurs Génois à l’ancien Bastion situé au droit de l’actuel restaurant « Le Perchoir », ont été édifiés sous l’autorité des Français, vers la fin du 18ème et le début du 19ème siècle, pour former une enceinte défensive du Palais en forme de demi-bastion, équipé de batteries hautes et basses, dont l’objectif était de défendre l’entrée du Porto (Plan du Génie Militaire – Direction de la Corse – Place de Bastia – An 1824).

Le projet Mantinum à l’initiative de la ville de Bastia, était passionnant par ses différentes interventions et les multiples enjeux, à réaliser dans le cadre du projet plus global de réaménagement de l’anse Sud du Vieux-Port et de la façade Nord de la Citadelle, avec un point focal unique, la liaison douce et harmonieuse entre la « Terra Nova » et la « Terra Vecchia ». Sur ce site exceptionnel et d’une puissance incroyable, pour servir un programme dont le sujet est justement sa géographie, son histoire et son avenir, l’équipe s’est fixée un objectif à focale fixe comme grand ordonnateur du projet, tant du point de vue urbain, architectural, paysager, constructif, que scénographique, basé sur quatre piliers fondateurs :

Plusieurs sujets, un seul projet unitaire, cohérent et ordonné, parfaitement intégré dans son environnement géographiques et historique, sur un dénivelé de plus 35.00m

Unité et cohérence d’ensemble sont les lignes directrices du projet, Liaisons verticales et horizontales, Théâtre de Verdures, sentiers et jardins restaurés, ne constituent qu’un seul projet, dont le sujet central est le couple Citadelle (Terra Nova) et le Port (Terra Vecchia), et l’histoire qui s’est déroulés dans ces deux lieux indissociables. Partout, les éléments existants de la Citadelle et du Port, sont mis en scène par des cheminements appropriés et des cadrages soignés et justes, qui relient les éléments du programme. Les constructions qui magnifient le programme relèvent de la même typologie, basée sur l’architecture militaire du site avec les défensifs de la nouvelle Porte Basse avec la Nouvelle Tour de l’Outil de Liaison Verticale et la Porte Haute abritant la liaison verticale dans la continuité du Bastion et les cheminements piétons en partie haute du site avec le Théâtre de Verdure en écho au chemin de ronde en tête des remparts. Pour ces quatre principales interventions, la même logique conceptuelle est appliquée, du général jusqu’au moindre détail. C’est ainsi que les volumes bâtis, comprenant la nouvelle Porte Basse, la Nouvelle Tour de l’Outil de Liaison Verticale et la Porte Haute constituant la nouvelle liaison douce et harmonieuse entre la « Terra Nova » et la « Terra Vecchia », relèvent de la même typologie sobre et ordonnée, pour un aspect minéral à base de béton de site dit «  sec », mis en œuvre par strates horizontales, et dont le serrage est assuré par damage au fouloir pneumatique de fonderie, pour une finition brute durcie de moule, pour un aspect estampé. Dans la même logique, ce même et unique matériau, sert à confectionner les emmarchements, les rampes, les terrasses en forme de « pas d’âne », les gradins, les murets et murs de soutènement, des cheminements piétons en partie haute du site et du Théâtre de Verdure.

Une architecture simple et discrète tout en mesure, sans aucune fausse modestie, dictée par l’incroyable puissance naturelle du site

Le projet dans son ensemble se caractérise par sa simplicité et sa discrétion, la Citadelle et le Vieux-Port règnent en leur territoire, les volumes d’architecture que nous ajoutons à leur pied et à proximité ne sont ni bavardes, ni hors d’échelle : ils sont simples, tant dans leur forme que dans leur matérialité, et à la juste mesure du site.

Le génie du Lieu, matérialité et ambiance minérale vernaculaire

Saisir le génie du lieu d’un tel site n’est pas tant affaire de forme que de matérialité et de rapports chromatiques. C’est par la matière et par sa mise en œuvre, en mémoire aux savoirs faire locaux, réinventés aux techniques contemporaines, en travaillant l’ensemble des éléments du projet avec un matériau unique, à base d’un béton de site dit « sec », mis en œuvre pour les ouvrages verticaux par strates horizontales, dont le serrage est réalisé par damageau fouloir pneumatique de fonderie, que les nouvelles constructions s’installent dans le site. Ce béton de site est confectionné avec les Cipolins constituant le Substratum du site altéré en tête, surmonté au droit de l’Outil de Liaison Verticale par des schistes lustrés (brèche quartzique), excavés lors des terrassements généraux en pleine masse, et issus de la récupération lors des travaux de démolitions des murs poids de soutènements des terres non conservés en maçonneries de pierres à base de Cipolins et de schistes lustrés, puis concassés et criblés, sur le site ou en dehors. La matérialité de ce béton mis en œuvre par strates horizontales constitue une relecture contemporaine et artisanale au sens noble, des typologies locales et historiques, au service d’un programme bien particulier, pour constituer un ensemble clair, ordonné et équilibré, parfaitement intégré dans son environnement, s’inscrivant dans un mouvement « d’architecture vernaculaire moderne », sans aucun pastiche.

Des principes simples et efficaces pour une véritable écologie du bâti.

Dans un raisonnement en coût global, c’est ce type d’approche qui a guidé la conception environnementale du projet dans sa globalité. Les installations techniques doivent être les plus simples possible et les opérations de maintenance doivent être réduites au strict minimum. Enfin, nous avons construit une architecture durable au sens premier du terme. Une architecture bien construite, résistante, sans élément gratuit et utilisant au maximum des matériaux « naturels », simple de mise en œuvre et pérenne, ne nécessitant aucun entretien.

Tous les ouvrages en élévation ont été mis en œuvre par strates horizontales de hauteur égale à 0.48m dans des coffrages traditionnels en bois, confectionnés par de véritable coffreurs-boiseurs, pour un parement final brut-durci de moule sans aucun trou d’entretoise, y compris pour l’ouvrage de grande hauteur de la liaison verticale. Chaque strate de béton est réalisée en trois couches de 0.16m de hauteur, serrées individuellement par un pilonnage énergique au fouloir pneumatique de fonderie. Cette technique traditionnelle nécessitant la formulation d’un béton « sec » à faible rapport E/C (0.30) associée à l’utilisation des sables et graviers du site donne leur aspect et leur teinte aux ouvrages du projet, parfaitement insérés dans ce cadre exceptionnel.

Pour Batiserf, c’est un réel privilège que d’avoir eu l’honneur d’accompagner sur ce projet les 4 jeunes architectes talentueux, des 2 agences Buzzo Spinelli Architecture, Antoine Dufour Architectes en parfaite osmose avec les services et représentant de la ville de Bastia, d’une très grande compétence technique, toujours disponible, avec une importante capacité d’écoute et de compréhension, une ouverture d’esprit et de pensée rarement rencontrée sur un projet. Nous tenons à remercier les équipes de la ville de Bastia, et en particulier Natacha Casalta, pour leur énorme travail et investissement, pour avoir piloté sereinement et en confiance, ce projet complexe par sa spécificité technique à réaliser dans le cadre d’un planning tendu.

Pour que ce projet soit une totale réussite, il fallait une entreprise avec de réelles compétences techniques, des équipes de compagnons possédant un savoir-faire artisanal avec à leur tête des encadrants motivées et techniquement à la hauteur du défi technique et des objectifs définis, proches du terrain, avec une réelle ouverture d’esprit, pour interpréter la partition écrite par les architectes. La jeune entreprise bastiaise Contact Construction avec à sa tête Robert Favale parfaitement entouré par Elias Barcelo présent au quotidien sur le site, associé à l’entreprise Brando BTP, ont relevé le défi, en étant en permanence au service du projet, dans le seul objectif d’atteindre le niveau de qualité technique et architectural défini par la maîtrise d’œuvre. Merci et bravo à eux et à leurs équipes pour leur investissement, leur disponibilité et leur savoir-faire, ayant permis la construction du projet dans le cadre d’un véritable partenariat avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, dans un climat serein, apaisé et une confiance réciproque.

Ce n’est pas un hasard, si ce chantier s’est déroulé en parfaite harmonie entre tous les acteurs, dans un climat de confiance rare, en effet Bastia et plus généralement la Corse a été le laboratoire des Lumières au milieu du 18ème.  Les initiateurs et porteurs du projet sont les dignes héritiers de ce mouvement humaniste, à l’origine de la première révolution de l’époque contemporaine, avant l’indépendance américaine, avant la révolution française, ayant doté la Corse dès 1755, d’une véritable constitution. Aujourd’hui, cette ile qui a été le laboratoire des Lumières, peut-être le laboratoire d’un nouveau mode de développement économique et social ? Ou bien la destruction de l’environnement et du socle social est-elle une condition sine qua non de la croissance ?

«  …N’était la violence des hommes, la nature étant si belle, la vie aurait toutes ses chances d’être merveilleuse si nous savions y créer l’harmonie….. » … Michel Rocard, J’irai dormir en Corse, publié dans Libération, le 17 juillet 2016.

 « aujourd’hui il y a forcément beaucoup d’émotion, ce sont des rêves qui prennent forme, un projet devenu désormais un lieu qui produit du sens, individuellement et collectivement. Un lieu qui nous replonge dans notre histoire multiséculaire, vers le présent et la modernité, un lieu où l’on se projette vers l’extérieur et vers le futur ». ….Gilles Simeoni, Bastia, le 23 février 2020.

En espérant, que de très nombreux autres rêves se réalisent à nouveau, ici et ailleurs.